Eczéma chronique des mains

Eczéma chronique des mains 

L’eczéma chronique des mains (ECM) est une dermatose inflammatoire chronique, d’origine souvent multifactorielle, avec des aspects cliniques très variables. Sa prévalence annuelle est estimée à 10 % et son incidence à 5,5/1000 habitants / an. Il a un impact important sur la qualité de vie des patients tant sur le plan professionnel que social et personnel.

En France, l’eczéma chronique des mains représente environ 80 % des dermatoses professionnelles (métiers de la santé, l’agroalimentaire, la coiffure et la métallurgie). Il peut même parfois requérir une réorientation professionnelle.

5,5 / 1000

habitants par an

L’ECM résulte le plus souvent de l’association de facteurs :

  • Endogènes (propres au patient): anomalies de la barrière cutanée, dermatite atopique.
  • Exogènes (liés à l’environnement du patient): contact avec des allergènes et/ou irritation par des facteurs mécaniques, chimiques, thermiques, par la macération.

L’ECM touche habituellement l’adulte, mais des formes pédiatriques sont rapportées surtout chez les enfants atopiques. Il peut prendre plusieurs présentations cliniques : vésicules (petites cloques remplies d’un liquide clair), fissures, crevasses, xérose (peau sèche et gercée), hyperkératose (épaississement de la peau), érythème (rougeurs), œdème, (enflure des doigts). La peau peut même craquer et saigner. Le patient peut rapporter une sensation de brûlure, surtout lors de contact avec certains irritants (gel hydroalcoolique, …).

L’ECM peut toucher les doigts, les paumes et le dos des mains. Une atteinte des pieds peut être associée. L’eczéma dyshidrosique est une forme particulière d’eczéma des mains qui se caractérise par la présence de petites vésicules ou bulles.

Le prurit (démangeaisons) est souvent important.

Diagnostic

Le diagnostic de l’ECM est clinique, et ne nécessite aucun examen complémentaire. Votre dermatologue saura prescrire le bilan adapté pour rechercher une éventuelle cause, par exemple un bilan allergologique pour identifier un potentiel allergène, dans la carde d’un eczéma de contact. Une prise en charge psychologique est également indispensable, ainsi qu’une éducation thérapeutique.

Traitement de l’eczéma chronique des mains

L’eczéma des mains doit être traité rapidement et efficacement à la phase aigüe, afin d’éviter le passage à la chronicité.

La prise en charge est complexe est n’est pas codifiée.

En pratique :

  • Eviction des irritants et des allergènes, s’ils ont été identifiés.
  • Restauration de la barrière cutanée et une réactivité normale : application régulière d’émollients et de crèmes barrières adaptés.
  • Adaptation des produits d’hygiène : utilisation de pains dermatologiques (savons sans savon), syndets, huiles lavantes.

En cas d’eczéma de contact allergique ou de dermite aux protéines : l’éviction complète et définitive des allergènes représente la seule et unique mesure permettant une guérison.

Il n’existe pas de recommandations précises concernant le traitement des différents sous-types d’eczéma des mains. En plus de l’utilisation régulière d’un émollient adapté, plusieurs traitements peuvent être proposés lors des poussées, en fonction du tableau clinique et de la sévérité de l’ECM.

Traitements locaux, systématiquement prescrits :

  • Dermocorticoïdes : traitement de première ligne (classe forte ou très forte : pommade), parfois sous occlusion : bandages occlusifs humides (gants, tulle gras et bandes).
  • Inhibiteurs topiques de la calcineurine : monothérapie, en association avec des dermocorticoïdes ou une photothérapie.
  • Acide salicylique en préparation 2 à 30 % : retirer l’hyperkératose et d’améliorer l’action des dermocorticoïdes.
  • Rétinoïdes topiques.
  • De nouveaux traitement seront bientôt disponibles en France : Inhibiteurs de Janus kinase (JAK) topiques (delgocitinib), inhibiteur de la phosphodiestérase 4 (Crisaborole).

En cas d’échec du traitement local ou de réponse insuffisante, un traitement systémique sera proposé, par votre dermatologue en l’absence de contre-indications, on citera :

  • Photothérapie la photothérapie de type UVBTL01, la PUVAthérapie ou la balnéopuvathérapie.
  • Rétinoïde systémique (alitrétinoïne).
  • Immunosuppresseurs : ciclosporine, méthotrexate.
  • Traitement biologique, si l’ECM s’inscrit dans le cadre d’une dermatite atopique ( Dupilumab, Tralokinumab, lébrikizumab).

Il est important de noter :

  • Les corticoïdes oraux ne sont pas recommandés.
  • Les antihistaminiques :  n’ont pas prouvé leur efficacité thérapeutique dans le cadre d’un eczéma des mains, (antihistaminique sédatif au coucher permet de diminuer les réveils nocturnes liés au prurit.
  • Les antibiotiques per os ou topiques sont prescrits uniquement en cas de surinfections bactériennes.

Pour aller plus loin

Impact de l’ECM sur la qualité de vie

Les mains, de par leur localisation anatomique, sont un moyen de lien, de communication et d’expression très fort expliquant le retentissement parfois important de l’ECM sur les relations sociales, les activités de la vie quotidienne et le travail. 30 % des patients estiment que leur ECM a un réel impact sur leurs relations sociales et 81 % rapportent une gêne dans leur vie quotidienne, possiblement due aux sentiments de stigmatisation et de rejet qu’ils ressentent. Environ 15 % rapportent un retentissement important de leur ECM sur leur sommeil ou leur sexualité. L’ECM, comme beaucoup d’autres dermatoses chroniques, peut également entraîner un sentiment d’exaspération et de découragement, des syndromes dépressifs ainsi que des défauts d’observance des traitements prescrits. Il est important de souligner que l’impact de l’ECM sur la qualité de vie n’est pas toujours corrélé à la sévérité des lésions.

Impact socio-économique de l’ECM

 Il peut être également très important. En effet, dans une étude multicentrique réalisée dans 10 centres en Europe en 2009, 28 % des patients atteints d’ECM étaient dans l’incapacité de travailler, 12 % d’entre eux avaient déjà eu un arrêt de travail de plus de 12 semaines [5]. Une étude suédoise portant sur 12 ans [6] rapportait une reconversion professionnelle effectuée dans 82 % des cas, avec une exclusion du monde du travail pouvant aller jusqu’à 15 %. Une étude descriptive française ayant repris les données de la CNAM entre 2004 et 2007 a comptabilisé l’absentéisme professionnel des patients atteints d’ECM et retrouvé une absence de plus de 1 mois par patient (perte de travail de 37,33 jours) [7], ce qui représente un impact socio-économique majeur pour cette dermatose chronique.

Une origine professionnelle ?

 L’origine professionnelle de l’ECM est volontiers sous-estimée, probablement du fait d’une banalisation de cette dermatose dans certaines professions comme les métiers de l’industrie agro-alimentaire, de la santé, de la coiffure et de la métallurgie en raison du risque important de développer une dermatose irritative ou une dermite de contact allergique (contact fréquent avec des substances irritantes et allergisantes dans ces professions).

Lors de l’interrogatoire, entre 30 et 50 % des patients estiment que leur dermatose est déclenchée ou aggravée par le travail. Une enquête minutieuse est donc indispensable lors de la consultation de dermatologie pour ne pas méconnaître une origine professionnelle.

Enfin, il convient de tester tout eczéma des mains résistant à un traitement local conventionnel bien conduit pour ne pas méconnaître une allergie de contact.

D’après une communication du Dr Caroline Jacobzone en 2018

Références

    1. Agner T, Elsner P. Hand eczema: epidemiology, prognosis and prevention. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2020 Jan;34 Suppl 1:4-12.
    2. Elsner P, Agner T. Hand eczema: treatment. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2020 Jan;34 Suppl 1:13-21. 
    3. Haft MA, Park HH, Lee SS, Sprague JM, Eichenfield LF. Pediatric chronic hand eczema: Epidemiology, clinical presentation, and management. JAAD Int. 2023 Feb 27;11:165-173. 

Auteur : Dr Inès ZRAA, Service de Dermatologie Hôpital saint Joseph, Paris.

MAJ : 24 août 2023