Eczéma chronique des mains : une forme à part à ne pas négliger

L’eczéma chronique des mains (ECM) est une dermatose inflammatoire chronique, d’origine souvent multifactorielle, qui altère fortement la qualité de vie des patients tant sur le plan professionnel que social, personnel et psychoaffectif. Cette dermatose intrique des facteurs extrinsèques comme les irritations, les allergies de contact chez 25 % des patients et des facteurs intrinsèques comme les anomalies de la fonction de barrière cutanée et l’atopie. Cependant, l’eczéma chronique des mains est présent chez seulement 15 à 20 % des patients présentant une dermatite atopique.

L’eczéma chronique des mains en quelques chiffres

Dans les anciennes études, la prévalence de l’eczéma chronique des mains variait de 2 à 8,9 % mais elle était très probablement sous-estimée. Les donnes plus actuelles envisagent une prévalence de l’ordre de 10 % [1]. C’est donc une dermatose fréquente : elle représente 20 à 35 % de toutes les dermatoses des mains et 5 % des patients présentant un eczéma des mains vont développer une forme chronique.

L’eczéma chronique des mains est la maladie professionnelle dermatologique la plus fréquente [2]. Dans la plupart des pays européens, notamment en France, il représente 80 à 90 % des dermatoses professionnelles et 52 % des eczémas des mains sont imputables à une origine professionnelle [3].

La prise en charge de l’ECM reste aujourd’hui encore insuffisante. En effet, dans une étude clinique anglo-saxonne récente, 62 % des nouveaux patients présentant une dermatose chronique des mains n’étaient pas traités la première année de leur maladie [1], souvent du fait d’une errance diagnostique ou d’une absence de consultation. Il ne faut pas négliger cette dermatose qui, bien que localisée, peut entraîner un retentissement et un handicap socioprofessionnel majeurs (fig. 1).

L’impact de l’eczéma est malheureusement peu abordé en consultation de dermatologie. En effet, le retentissement de cette dermatose sur la qualité de vie n’est pas du tout abordé dans près de 40 % des consultations des dermatologues (étude réalisée sur 238 consultations) [4].

eczema des mains

Fig. 1 : Eczéma chronique des mains (photographies du Dr C. Jacobzone-Lévêque).

Impact de l’ECM sur la qualité de vie

Les mains, de par leur localisation anatomique, sont un moyen de lien, de communication et d’expression très fort expliquant le retentissement parfois important de l’ECM sur les relations sociales, les activités de la vie quotidienne et le travail. 30 % des patients estiment que leur ECM a un réel impact sur leurs relations sociales et 81 % rapportent une gêne dans leur vie quotidienne, possiblement due aux sentiments de stigmatisation et de rejet qu’ils ressentent. Environ 15 % rapportent un retentissement important de leur ECM sur leur sommeil ou leur sexualité. L’ECM, comme beaucoup d’autres dermatoses chroniques, peut également entraîner un sentiment d’exaspération et de découragement, des syndromes dépressifs ainsi que des défauts d’observance des traitements prescrits. Il est important de souligner que l’impact de l’ECM sur la qualité de vie n’est pas toujours corrélé à la sévérité des lésions.

Impact socio-économique de l’ECM

 Il peut être également très important. En effet, dans une étude multicentrique réalisée dans 10 centres en Europe en 2009, 28 % des patients atteints d’ECM étaient dans l’incapacité de travailler, 12 % d’entre eux avaient déjà eu un arrêt de travail de plus de 12 semaines [5]. Une étude suédoise portant sur 12 ans [6] rapportait une reconversion professionnelle effectuée dans 82 % des cas, avec une exclusion du monde du travail pouvant aller jusqu’à 15 %. Une étude descriptive française ayant repris les données de la CNAM entre 2004 et 2007 a comptabilisé l’absentéisme professionnel des patients atteints d’ECM et retrouvé une absence de plus de 1 mois par patient (perte de travail de 37,33 jours) [7], ce qui représente un impact socio-économique majeur pour cette dermatose chronique.

Impact socio-économique de l’ECM

 Il peut être également très important. En effet, dans une étude multicentrique réalisée dans 10 centres en Europe en 2009, 28 % des patients atteints d’ECM étaient dans l’incapacité de travailler, 12 % d’entre eux avaient déjà eu un arrêt de travail de plus de 12 semaines [5]. Une étude suédoise portant sur 12 ans [6] rapportait une reconversion professionnelle effectuée dans 82 % des cas, avec une exclusion du monde du travail pouvant aller jusqu’à 15 %. Une étude descriptive française ayant repris les données de la CNAM entre 2004 et 2007 a comptabilisé l’absentéisme professionnel des patients atteints d’ECM et retrouvé une absence de plus de 1 mois par patient (perte de travail de 37,33 jours) [7], ce qui représente un impact socio-économique majeur pour cette dermatose chronique.

Une origine professionnelle ?

 L’origine professionnelle de l’ECM est volontiers sous-estimée, probablement du fait d’une banalisation de cette dermatose dans certaines professions comme les métiers de l’industrie agro-alimentaire, de la santé, de la coiffure et de la métallurgie en raison du risque important de développer une dermatose irritative ou une dermite de contact allergique (contact fréquent avec des substances irritantes et allergisantes dans ces professions).

Lors de l’interrogatoire, entre 30 et 50 % des patients estiment que leur dermatose est déclenchée ou aggravée par le travail. Une enquête minutieuse est donc indispensable lors de la consultation de dermatologie pour ne pas méconnaître une origine professionnelle.

Enfin, il convient de tester tout eczéma des mains résistant à un traitement local conventionnel bien conduit pour ne pas méconnaître une allergie de contact.

Prise en charge des ECM

Elle doit être globale. Un bilan allergologique sera proposé en cas de résistance à un traitement local bien conduit ou en cas de sensibilisation suspectée à l’interrogatoire. Une prise en charge psychologique est également indispensable, ainsi qu’une éducation thérapeutique qui présente ici un réel intérêt. Enfin, il convient de s’interroger et de réfléchir au poste de travail du patient.

  • Traitements locaux de l’ECM

Les dermocorticoïdes sont le seul traitement local ayant l’AMM dans la prise en charge de l’ECM. Ces traitements peuvent être limités du fait de leur caractère contraignant et inconfortable.

  • Traitements systémiques de l’ECM

Seules la photothérapie et l’alitrétinoïne ont l’AMM dans la prise en charge de l’ECM, en seconde intention après échec des dermocorticoïdes. La ciclosporine et le méthotrexate sont régulièrement utilisés mais ces molécules n’ont pas l’AMM dans cette indication.

L’eczéma chronique des mains a un réel impact sur la qualité de vie des patients (sommeil, sexualité, vie sociale, vie professionnelle) qu’il ne faut pas négliger. Malheureusement, l’importance et la gravité de cette pathologie sont trop souvent sous-estimées. L’ECM nécessite donc une prise en charge globale et empathique de la part des soignants.

Bibliographie

  1. Crane MM, Webb DJ, Watson E et al. Hand eczema and steroid-refractory chronic hand eczema in general practice: prevalence and initial treatment. Br J Dermatol, 2017;176:955-964.
  2. Halioua B. Hand eczema: disability and impact. Ann Dermatol Venereol, 2014;141 Suppl 1:S111-116.
  3. Elston DM, Ahmed DDF, Watsky KL et al.  Hand dermatitis. J Am Acad Dermatol, 2002;47:291-299.
  4. David SE, Ahmed Z, Salek MS et al. Does enough quality of life-related discussion occur during dermatology outpatient consultations? Br J Dermatol, 2005;153:997-1000.
  5. Diepgen TL, Andersen KE, Brandao FM
    et al. Hand eczema classification: a cross-sectional, multicentre study of the aetiology and morphology of hand eczema. Br J Dermatol, 2009;160:
    353-358.
  6. Meding B, Lantto R, Lindahl G et al. Occupational skin disease in Sweden–a 12-year follow-up. Contact Dermatitis, 2005;53:308-313.
  7. Halioua B, Bensefa-Colas L, Bouquiaux B
    et al. Occupational contact dermatitis in 10,582 French patients reported between 2004 and 2007: a descriptive study. Dermatol Basel Switz, 2012;225:354-363.

D’après la communication du Dr Caroline Jacobzone-Lévêque (CH de Bretagne Sud, Lorient et Vice-présidente de ResoEczéma).
MAJ : 26 octobre 2018